Mesdames, Messieurs,
Il y a une semaine, la France prenait conscience, avec effroi, que son destin pouvait basculer vers le pire si l'extrême droite venait à remporter les élections législatives. Dans un sursaut dont elle s'est souvent montrée capable dans le temps long de son histoire, le peuple français a puisé au plus profond de lui-même la force de résister à la vague annoncée, en lui opposant la digue encore robuste du front de tous les républicains.
Par une mobilisation que beaucoup croyaient impossible, c'est d'abord ce front-là, celui de la République, qui a rappelé sa force dimanche dernier. Les millions de Français ont exprimé leur volonté que la France reste fidèle à elle-même, à son universalisme, qui depuis plus de deux siècles nourrit une irrépressible aspiration à la fraternité, à l'égalité, à la liberté, à la démocratie, au respect des principes de l'État de droit.
Beaucoup de nos compatriotes, qui ont adopté la stratégie du barrage républicain, ont voté, dans nombre de cas, pour des candidats qui n'étaient pas ceux de leur choix afin d'éviter l'élection de ceux dont ils ne voulaient à aucun prix. Fruit du mode de scrutin, des retraits ou encore des désistements, cette stratégie a atteint son objectif. Le Rassemblement national n'a pas obtenu de majorité de sièges à l'Assemblée nationale, plus des deux tiers des Français, par leur suffrage, s'y étant opposés.
Mais force est de constater qu'aucune force politique constituée, ni à gauche, ni à droite, ni au centre, ne peut prétendre tenir à elle seule une majorité de sièges à l'Assemblée nationale qui lui permettrait de gouverner sans s'allier à d'autres forces.
La question qui se présente désormais à nous est donc : existe-t-il encore, dans notre pays, suffisamment de forces raisonnables et capables, en dépit des divisions qui minent la nation, de s'unir en se respectant mutuellement pour relever les défis communs et affronter les crises qui se présentent à nous ? Et si tel est le cas, ces forces peuvent-elles gouverner en constituant une large coalition des volontés et des talents afin d'épargner à notre pays les dangers de l'ingouvernabilité, c'est-à-dire celui de l'affaiblissement des institutions, de la paralysie de l'État et donc, à terme, du déclassement de la France ?
Ces convergences, forgées par des républicains responsables, sont la réponse à l'inédit des circonstances. Les rendre possibles est le seul enjeu. La tâche immense à accomplir pour retrouver notre cohésion, réduire les tensions qui opposent les Français et, avec elles, les extrémismes qui contribuent à les entretenir depuis trop longtemps.
Aucune force en présence ne pourra, seule, réduire les fractures sociales et territoriales dont ces élections ont confirmé l'ampleur. Poursuivre l'indispensable redressement de notre appareil productif engagé en 2012, assurer le réarmement républicain de la nation à travers les services publics de l'éducation, de la santé, de la sécurité notamment, rétablir nos comptes publics, garantir notre désendettement, ni réussir la nécessaire et urgente mutation écologique.
La gravité du contexte appelle que l'esprit de responsabilité préside à tout et que les considérations partisanes, plus dérisoires encore qu'à l'accoutumée, ne fassent pas perdre de vue l'essentiel, qui en République, a le nom d'intérêt général.
Au moment où tout se joue, le rôle de la France en Europe et dans le monde, pour la prospérité, pour la concorde et pour la paix, rien ne serait plus triste que de voir l'esprit et les pratiques de la 4e République s'emparer des institutions de la 5e pour les abaisser davantage encore et revenir aux errements du système des partis, aux tristes combinaisons d'antan ou aux petits arrangements pour soi-même.
Si tel devait être le cas, d'ailleurs, nous n'aurions pas hier vaincu l'extrême droite ; nous aurions seulement différé le temps de la lucidité qui précède toujours celui du courage, le courage sans lequel rien ne s'accomplit de grand.